2012-05-22 22:17:38
par Valia Kaimaki dans Le Monde diplomatique
Le camarade Staline peut reposer tranquillement dans sa tombe, le Parti communiste (PC) grec veille, bien décidé à poursuivre sa mission éternelle : servir la révolution ouvrière, guetter son arrivée, préparer les troupes, et surtout ne pas permettre aux sirènes de faire entendre le chant d’une victoire de la gauche. Pendant la courte campagne électorale, en Grèce, tous les invités communistes des plateaux de télévision insistaient sur une chose : nous sommes le PC, pas la gauche.
Après l’annonce des résultats, ils se disaient ravis d’avoir gardé l’essentiel de leur puissance électorale (8,48 %)... en attendant la révolution. Une blague qui faisait le tour des journalistes depuis des années est désormais sur toutes les lèvres : la chef du parti, Mme Papariga, reste complètement inactive, comme une vieille bigote qui attend le jugement dernier. Un résumé de la politique du PC en Grèce : pas question d’alliance avec la gauche et surtout avec Syriza, ce « parti bourgeois ».
Issu de multiples divisions et réunions (à partir de 1968) de la gauche réformatrice et progressiste, Syriza a fait la plus importante percée de ces élections décisives. A lui seul, ce résultat pourrait sonner le glas du bipartisme.
L’un des trois enjeux majeurs du scrutin consistait précisément à déterminer si l’une des forces de gauche parviendrait à s’assurer une position dominante. Question tranchée : avec 16,8 % des suffrages, Syriza obtient incontestablement ce statut de leader, se hissant même au rang de deuxième force politique du pays – derrière Nouvelle Démocratie (ND, droite), avec seulement deux points d’écart. Chez les jeunes qui ont voté pour la première fois, chez les sans-emploi, et dans toute la région d’Athènes, Syriza arrive en tête.
Cela a déplu aux grands médias et à leurs chiens de garde. Tout au long de la soirée électorale, devant les caméras et derrière les micros, ils se sont montrés étonnement agressifs avec les invités de Syriza : « Vous proposez de former un gouvernement, mais comment allez-vous y parvenir ? Comment ? COMMENT ? » Beaucoup plus indulgente, leur attitude à l’égard du chef du parti néonazi Aube dorée, qui, sur le point de prononcer son discours, a exigé : « Levez-vous », dans un grec ancien mal décliné. Certains se sont exécutés.
Deuxième enjeu, justement, le pourcentage de l’extrême droite. Un résultat nettement moins réjouissant. Avec presque 7 % des suffrages, les néonazis ont emporté la sixième place et fait une entrée spectaculaire au Parlement. 7,5 % des électeurs ayant voté pour Nouvelle Démocratie en 2009 ont préféré Aube Dorée, de même que 4,5 % des électeurs en provenance du Parti socialiste (Pasok), arrivé troisième avec 13,18 % des suffrages (moins que son tout premier score, en 1974, sous Andreas Papandreou).
Le troisième enjeu, « qui gouvernera le pays ? », reste la grande inconnue. Trois sièges seulement manquent aux grands partis de jadis pour former un nouveau gouvernement pro-mémorandum (1) c’est-à-dire, pour continuer comme avant les élections. Ils ont pensé convaincre trois députés, des « Grecs indépendants » (nouveau parti, cession de la ND, fortement anti-mémorandum et nationaliste, arrivé en quatrième position), de donner leur vote, avec la promesse d’un ministère. Sauf que le souvenir de juillet 1965 – quand le gouvernement de Papandreou (grand-père) fut destitué par ses propres députés, ce qui avait accentué l’instabilité politique et ouvert la voie au coup d’état de 1967 – marque encore la vie politique du pays. On ne devient pas facilement un « traître » : ce scénario a été invalidé au lendemain des élections.
Ce mardi 8 mai, après que le leader de Nouvelle démocratie s’en est déclaré incapable, M. Alexis Tsipras a été chargé par le président de la République de former un gouvernement. Ce jeune homme charismatique de 38 ans a su s’affirmer comme un personnage politique incontournable, d’abord au sein de la mosaïque de Syriza, puis dans la société toute entière. Ses adversaires l’accusent de populisme, lui reprochent un style un peu « macho », mais nul ne conteste qu’il fut le seul dirigeant politique capable d’assurer une place à l’opposition dans le Parlement pendant cette dernière période, marquée par une politique d’austérité extrême. Il a su également mener une campagne électorale brillante et imposer son agenda. Au point que tous les discours des dirigeants des autres partis ont fait référence aux propositions de Syriza : la renégociation du mémorandum imposé par la troïka et l’effacement d’une partie de la dette grecque, sans pour autant sortir de l’Union européenne ou de la zone Euro.
Néanmoins, les chiffres ne sont pas au rendez-vous. Même si le PC acceptait de donner son accord – ce qui relève de la science-fiction –, même avec l’appui du troisième parti de la gauche (la Dimar – « Alliance Démocratique » –, scission de Syriza, qui défend une politique plus proche de celle du Pasok), et enfin même avec l’aide du Pasok dont le chef a déclaré qu’il va soutenir un gouvernement de gauche, il ne serait pas possible de former un gouvernement.
La faute à la loi électorale, taillée sur mesure pour maintenir le bipartisme : la formation qui arrive en tête du scrutin remporte cinquante sièges supplémentaires au Parlement (sur un total de trois cents), afin de pouvoir facilement former un gouvernement. C’est ainsi que ND a vu ses effectifs parlementaires presque doubler, « volant » des sièges qui, sinon, seraient revenus à Syriza dans la région d’Attique.
M. Tsipras va conserver le plus longtemps possible le mandat qu’il reçoit ce 8 mai. Pendant ces trois jours, il va répéter inlassablement son message d’unité de la gauche, que le PC et la Dimar ont formellement rejeté avant les élections. Cette fois, il va aller plus loin, proposer des congrès communs, tendre la main aux écologistes (qui n’ont pas pu franchir le seuil de 3 %), aux maoïstes, aux léninistes, aux trotskistes, aux dissidents du PC, à toute la galaxie des partis de la gauche. But inavoué et vœu cher à tous les Grecs de gauche : faire imploser le PC pour le reformer sur de nouvelles bases et donner à la gauche grecque sa juste position dans la société.
Puis ce sera au tour des autres partis de recevoir un mandat pour former un gouvernement, la perspective d’une coalition majoritaire s’éloignant toujours un peu plus à chaque fois.
Quelles perspectives s’offrent alors ? Probablement le retour aux urnes. Néanmoins, les partis du centre (ND et Pasok) ne souhaitent pas de nouvelles élections, car c’est surtout Syriza qui en bénéficierait.
La Grèce se trouve donc dans une impasse : il n’est possible de former un gouvernement ni avec ni sans Syriza. Le scénario le plus cauchemardesque serait que Nouvelle Démocratie et le Pasok donnent à M. Tsipras leur appui sans participer à son gouvernement, sacrifice qu’ils accepteraient pour sauver les règles qui fondent le bipartisme. M. Tsipras serait ainsi obligé de diriger la Grèce sans disposer de véritable pouvoir ni, d’ailleurs, de cadres formés. Sans leviers, sans filet (1) L’accord de prêt signé par l’ancien gouvernement avec la troïka (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire International), qui impose une sévère austérité.
Πηγή
InfoGnomon
Le camarade Staline peut reposer tranquillement dans sa tombe, le Parti communiste (PC) grec veille, bien décidé à poursuivre sa mission éternelle : servir la révolution ouvrière, guetter son arrivée, préparer les troupes, et surtout ne pas permettre aux sirènes de faire entendre le chant d’une victoire de la gauche. Pendant la courte campagne électorale, en Grèce, tous les invités communistes des plateaux de télévision insistaient sur une chose : nous sommes le PC, pas la gauche.
Après l’annonce des résultats, ils se disaient ravis d’avoir gardé l’essentiel de leur puissance électorale (8,48 %)... en attendant la révolution. Une blague qui faisait le tour des journalistes depuis des années est désormais sur toutes les lèvres : la chef du parti, Mme Papariga, reste complètement inactive, comme une vieille bigote qui attend le jugement dernier. Un résumé de la politique du PC en Grèce : pas question d’alliance avec la gauche et surtout avec Syriza, ce « parti bourgeois ».
Issu de multiples divisions et réunions (à partir de 1968) de la gauche réformatrice et progressiste, Syriza a fait la plus importante percée de ces élections décisives. A lui seul, ce résultat pourrait sonner le glas du bipartisme.
L’un des trois enjeux majeurs du scrutin consistait précisément à déterminer si l’une des forces de gauche parviendrait à s’assurer une position dominante. Question tranchée : avec 16,8 % des suffrages, Syriza obtient incontestablement ce statut de leader, se hissant même au rang de deuxième force politique du pays – derrière Nouvelle Démocratie (ND, droite), avec seulement deux points d’écart. Chez les jeunes qui ont voté pour la première fois, chez les sans-emploi, et dans toute la région d’Athènes, Syriza arrive en tête.
Cela a déplu aux grands médias et à leurs chiens de garde. Tout au long de la soirée électorale, devant les caméras et derrière les micros, ils se sont montrés étonnement agressifs avec les invités de Syriza : « Vous proposez de former un gouvernement, mais comment allez-vous y parvenir ? Comment ? COMMENT ? » Beaucoup plus indulgente, leur attitude à l’égard du chef du parti néonazi Aube dorée, qui, sur le point de prononcer son discours, a exigé : « Levez-vous », dans un grec ancien mal décliné. Certains se sont exécutés.
Deuxième enjeu, justement, le pourcentage de l’extrême droite. Un résultat nettement moins réjouissant. Avec presque 7 % des suffrages, les néonazis ont emporté la sixième place et fait une entrée spectaculaire au Parlement. 7,5 % des électeurs ayant voté pour Nouvelle Démocratie en 2009 ont préféré Aube Dorée, de même que 4,5 % des électeurs en provenance du Parti socialiste (Pasok), arrivé troisième avec 13,18 % des suffrages (moins que son tout premier score, en 1974, sous Andreas Papandreou).
Le troisième enjeu, « qui gouvernera le pays ? », reste la grande inconnue. Trois sièges seulement manquent aux grands partis de jadis pour former un nouveau gouvernement pro-mémorandum (1) c’est-à-dire, pour continuer comme avant les élections. Ils ont pensé convaincre trois députés, des « Grecs indépendants » (nouveau parti, cession de la ND, fortement anti-mémorandum et nationaliste, arrivé en quatrième position), de donner leur vote, avec la promesse d’un ministère. Sauf que le souvenir de juillet 1965 – quand le gouvernement de Papandreou (grand-père) fut destitué par ses propres députés, ce qui avait accentué l’instabilité politique et ouvert la voie au coup d’état de 1967 – marque encore la vie politique du pays. On ne devient pas facilement un « traître » : ce scénario a été invalidé au lendemain des élections.
Ce mardi 8 mai, après que le leader de Nouvelle démocratie s’en est déclaré incapable, M. Alexis Tsipras a été chargé par le président de la République de former un gouvernement. Ce jeune homme charismatique de 38 ans a su s’affirmer comme un personnage politique incontournable, d’abord au sein de la mosaïque de Syriza, puis dans la société toute entière. Ses adversaires l’accusent de populisme, lui reprochent un style un peu « macho », mais nul ne conteste qu’il fut le seul dirigeant politique capable d’assurer une place à l’opposition dans le Parlement pendant cette dernière période, marquée par une politique d’austérité extrême. Il a su également mener une campagne électorale brillante et imposer son agenda. Au point que tous les discours des dirigeants des autres partis ont fait référence aux propositions de Syriza : la renégociation du mémorandum imposé par la troïka et l’effacement d’une partie de la dette grecque, sans pour autant sortir de l’Union européenne ou de la zone Euro.
Néanmoins, les chiffres ne sont pas au rendez-vous. Même si le PC acceptait de donner son accord – ce qui relève de la science-fiction –, même avec l’appui du troisième parti de la gauche (la Dimar – « Alliance Démocratique » –, scission de Syriza, qui défend une politique plus proche de celle du Pasok), et enfin même avec l’aide du Pasok dont le chef a déclaré qu’il va soutenir un gouvernement de gauche, il ne serait pas possible de former un gouvernement.
La faute à la loi électorale, taillée sur mesure pour maintenir le bipartisme : la formation qui arrive en tête du scrutin remporte cinquante sièges supplémentaires au Parlement (sur un total de trois cents), afin de pouvoir facilement former un gouvernement. C’est ainsi que ND a vu ses effectifs parlementaires presque doubler, « volant » des sièges qui, sinon, seraient revenus à Syriza dans la région d’Attique.
M. Tsipras va conserver le plus longtemps possible le mandat qu’il reçoit ce 8 mai. Pendant ces trois jours, il va répéter inlassablement son message d’unité de la gauche, que le PC et la Dimar ont formellement rejeté avant les élections. Cette fois, il va aller plus loin, proposer des congrès communs, tendre la main aux écologistes (qui n’ont pas pu franchir le seuil de 3 %), aux maoïstes, aux léninistes, aux trotskistes, aux dissidents du PC, à toute la galaxie des partis de la gauche. But inavoué et vœu cher à tous les Grecs de gauche : faire imploser le PC pour le reformer sur de nouvelles bases et donner à la gauche grecque sa juste position dans la société.
Puis ce sera au tour des autres partis de recevoir un mandat pour former un gouvernement, la perspective d’une coalition majoritaire s’éloignant toujours un peu plus à chaque fois.
Quelles perspectives s’offrent alors ? Probablement le retour aux urnes. Néanmoins, les partis du centre (ND et Pasok) ne souhaitent pas de nouvelles élections, car c’est surtout Syriza qui en bénéficierait.
La Grèce se trouve donc dans une impasse : il n’est possible de former un gouvernement ni avec ni sans Syriza. Le scénario le plus cauchemardesque serait que Nouvelle Démocratie et le Pasok donnent à M. Tsipras leur appui sans participer à son gouvernement, sacrifice qu’ils accepteraient pour sauver les règles qui fondent le bipartisme. M. Tsipras serait ainsi obligé de diriger la Grèce sans disposer de véritable pouvoir ni, d’ailleurs, de cadres formés. Sans leviers, sans filet (1) L’accord de prêt signé par l’ancien gouvernement avec la troïka (Union européenne, Banque centrale européenne, Fonds monétaire International), qui impose une sévère austérité.
Πηγή
InfoGnomon
ΜΟΙΡΑΣΤΕΙΤΕ
ΔΕΙΤΕ ΑΚΟΜΑ
ΠΡΟΗΓΟΥΜΕΝΟ ΑΡΘΡΟ
Καταπολεμήστε το άγχος με γυμναστική!
ΣΧΟΛΙΑΣΤΕ