2012-10-21 20:07:28
Boris Mabillard de retour d’Irak pour LE TEMPS (Suisse)
Une interview de Murat Karayilan, le chef exécutif du PKK, depuis le mont Qandil
Les affrontements entre l’armée turque et les rebelles kurdes n’avaient pas atteint un tel degré de violence depuis 1999. Murat Karayilan, le chef exécutif du PKK, explique sa stratégie.
Après une longue attente dans le noir, quelqu’un vient enfin. Il valide le mot de passe. Début du voyage sur une piste défoncée entre les précipices pour éviter les checkpoints de l’armée qui restreignent l’accès à cette zone. Devant, ce sont les pentes du Qandil, un massif montagneux dans la région autonome du Kurdistan en Irak, à la frontière iranienne, dont les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont fait leur sanctuaire. Fouille, atermoiements, Murat Karayilan, le chef exécutif du PKK, est sur ses gardes.
Il a choisi la clandestinité depuis que le groupe est considéré comme terroriste par l’Union européenne, les Etats-Unis et la Turquie où il mène ses attaques. Après s’être d’abord battu pour l’indépendance du Kurdistan turc, le PKK réclame désormais la reconnaissance des droits des Kurdes et une autonomie relative. Les téléphones sont confisqués, les détails du rendez-vous restent mystérieux, il faut patienter. L’homme est précédé de ses gardes du corps, une équipe de presse du parti suit. L’événement est rare.
L’été dernier a été le plus meurtrier depuis 1999, l’année où le leader historique du PKK, Abdullah Ocalan, s’est fait arrêter. Selon Ankara, le conflit aurait fait plus de 44 000 morts en près de trente ans et, depuis des semaines, il ne se passe pas un jour sans que des combats éclatent entre l’armée turque et le PKK. Une recrudescence de violence qui fragilise le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, dont beaucoup attendaient qu’il apporte une solution aux revendications des Kurdes et mette fin aux activités du PKK. Le gouvernement d’Ankara y voit une conséquence de la crise syrienne, et accuse Damas d’aider le PKK en représailles au soutien que lui-même apporte aux rebelles syriens.
Les dernières escarmouches entre l’armée syrienne et l’armée turque ont fait monter la tension d’un cran. Désormais, Ankara évoque ouvertement la possibilité d’une action militaire en Syrie. Ce qui pourrait potentiellement impliquer les Kurdes de Syrie, qui se sont partiellement affranchis, de la tutelle de Damas. Mais aussi le PKK qui a promis son soutien aux Kurdes syriens. A mots très clairs, Murat Karayilan menace la Turquie.
Le Temps: Cet été a vu le PKK mener une offensive massive. Pourquoi?
Murat Karayilan: Ankara a abandonné les négociations d’Oslo. Nous étions parvenus avec la délégation turque à un protocole d’accord. Recep Tayyip Erdogan, le premier ministre turc, devait avaliser le protocole. Mais il n’y a jamais répondu. Au contraire, se croyant fort, pensant pouvoir nous vaincre par les armes, il a redoublé ses attaques sur tous les fronts. Nous poursuivant jusqu’ici, à Qandil, en territoire irakien. Nous avons subi des grosses pertes, notamment l’hiver dernier. Puis nous nous sommes réorganisés au printemps et, au début de l’été, nous avons contre-attaqué.
– Etes-vous plus forts aujourd’hui que vous ne l’étiez avant?
– En même temps que nous nous réorganisions, nous avons changé d’approche tactique. Avant, nous frappions et nous disparaissions ensuite. L’armée nous poursuivait en nous infligeant des pertes. Désormais, nous ne fuyons plus. Nous n’attaquons plus les bases militaires, là où l’armée est forte et nous attend. Nous nous déployons dans des régions où les forces turques sont absentes et nous attendons qu’elles viennent. En fait, nous occupons des territoires et nous les tenons, même lorsque l’armée tente de nous en déloger.
– Pourquoi ne pas avoir développé cette tactique plus tôt?
– Nous nous posons aussi la question. Car elle s’est montrée efficace au-delà de nos espérances. L’armée aussi a été surprise. Nous sommes gagnants à tous les coups: si l’armée intervient pour reprendre les contrées que nous contrôlons comme, par exemple, des campagnes dans la province d’Hakkari, elle doit se battre sur notre terrain, des montagnes que nous connaissons parfaitement, où nous pouvons avoir l’avantage. Si elle ne fait rien, nous avons conquis un territoire. Nous allons poursuivre dans cette direction et même intensifier notre lutte armée.
– Restez-vous ouverts au dialogue?
– Oui, mais tout dépend du gouvernement turc. Recep Tayyip Erdogan a annoncé il y a quelques semaines que le dialogue d’Oslo pouvait reprendre. Fort bien, cependant ce ne sont que des mots, il ne montre pas dans les faits sa volonté de trouver une solution au problème kurde. Nous restons absolument ouverts à toutes les négociations, à tous les dialogues, mais nous ne stopperons pas nos attaques armées.
– Quel est le préalable à la fin de la violence?
– Le PKK, les différents partis politiques et la société civile kurdes ont désigné Abdullah Ocalan comme le plus à même de les représenter dans des négociations avec Ankara. Nous demandons que les conditions de détention d’Abdullah Ocalan soient modifiées, qu’il ait accès aux soins dont il a besoin, que sa sécurité soit garantie ainsi qu’une certaine liberté de mouvement. Cela pourrait se faire sous la forme d’une assignation à résidence. Notre leader pourrait ainsi mener des négociations avec le gouvernement. C’est une condition sine qua non à l’arrêt des violences.
– Voyez-vous en la personne même du premier ministre un obstacle à la paix?
– Recep Tayyip Erdogan s’est fait élire sur le dos des Kurdes en promettant une solution à la crise. Il était plutôt modéré au début de son mandat, mais son vrai visage est vite apparu. Un dictateur dont les ambitions hégémoniques rappellent celles d’Adolf Hitler.
– La Turquie a menacé d’intervenir dans la région kurde de Syrie au cas où ses intérêts et sa sécurité seraient menacés. Que feriez-vous dans ce cas?
– La Turquie doit se tenir à l’écart de ce conflit, cesser ses manigances. Les Kurdes ont un désir légitime d’une autonomie démocratique, ils veulent la reconnaissance de leurs droits. Le PKK est solidaire des aspirations de tous les Kurdes et nous offrons notre soutien aux Kurdes syriens. Si l’armée turque s’en prenait à eux, ou aux institutions qu’ils se sont choisies, nous mènerions des représailles très violentes sur le territoire turc.
Πηγή
InfoGnomon
Une interview de Murat Karayilan, le chef exécutif du PKK, depuis le mont Qandil
Les affrontements entre l’armée turque et les rebelles kurdes n’avaient pas atteint un tel degré de violence depuis 1999. Murat Karayilan, le chef exécutif du PKK, explique sa stratégie.
Après une longue attente dans le noir, quelqu’un vient enfin. Il valide le mot de passe. Début du voyage sur une piste défoncée entre les précipices pour éviter les checkpoints de l’armée qui restreignent l’accès à cette zone. Devant, ce sont les pentes du Qandil, un massif montagneux dans la région autonome du Kurdistan en Irak, à la frontière iranienne, dont les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont fait leur sanctuaire. Fouille, atermoiements, Murat Karayilan, le chef exécutif du PKK, est sur ses gardes.
Il a choisi la clandestinité depuis que le groupe est considéré comme terroriste par l’Union européenne, les Etats-Unis et la Turquie où il mène ses attaques. Après s’être d’abord battu pour l’indépendance du Kurdistan turc, le PKK réclame désormais la reconnaissance des droits des Kurdes et une autonomie relative. Les téléphones sont confisqués, les détails du rendez-vous restent mystérieux, il faut patienter. L’homme est précédé de ses gardes du corps, une équipe de presse du parti suit. L’événement est rare.
L’été dernier a été le plus meurtrier depuis 1999, l’année où le leader historique du PKK, Abdullah Ocalan, s’est fait arrêter. Selon Ankara, le conflit aurait fait plus de 44 000 morts en près de trente ans et, depuis des semaines, il ne se passe pas un jour sans que des combats éclatent entre l’armée turque et le PKK. Une recrudescence de violence qui fragilise le premier ministre, Recep Tayyip Erdogan, dont beaucoup attendaient qu’il apporte une solution aux revendications des Kurdes et mette fin aux activités du PKK. Le gouvernement d’Ankara y voit une conséquence de la crise syrienne, et accuse Damas d’aider le PKK en représailles au soutien que lui-même apporte aux rebelles syriens.
Les dernières escarmouches entre l’armée syrienne et l’armée turque ont fait monter la tension d’un cran. Désormais, Ankara évoque ouvertement la possibilité d’une action militaire en Syrie. Ce qui pourrait potentiellement impliquer les Kurdes de Syrie, qui se sont partiellement affranchis, de la tutelle de Damas. Mais aussi le PKK qui a promis son soutien aux Kurdes syriens. A mots très clairs, Murat Karayilan menace la Turquie.
Le Temps: Cet été a vu le PKK mener une offensive massive. Pourquoi?
Murat Karayilan: Ankara a abandonné les négociations d’Oslo. Nous étions parvenus avec la délégation turque à un protocole d’accord. Recep Tayyip Erdogan, le premier ministre turc, devait avaliser le protocole. Mais il n’y a jamais répondu. Au contraire, se croyant fort, pensant pouvoir nous vaincre par les armes, il a redoublé ses attaques sur tous les fronts. Nous poursuivant jusqu’ici, à Qandil, en territoire irakien. Nous avons subi des grosses pertes, notamment l’hiver dernier. Puis nous nous sommes réorganisés au printemps et, au début de l’été, nous avons contre-attaqué.
– Etes-vous plus forts aujourd’hui que vous ne l’étiez avant?
– En même temps que nous nous réorganisions, nous avons changé d’approche tactique. Avant, nous frappions et nous disparaissions ensuite. L’armée nous poursuivait en nous infligeant des pertes. Désormais, nous ne fuyons plus. Nous n’attaquons plus les bases militaires, là où l’armée est forte et nous attend. Nous nous déployons dans des régions où les forces turques sont absentes et nous attendons qu’elles viennent. En fait, nous occupons des territoires et nous les tenons, même lorsque l’armée tente de nous en déloger.
– Pourquoi ne pas avoir développé cette tactique plus tôt?
– Nous nous posons aussi la question. Car elle s’est montrée efficace au-delà de nos espérances. L’armée aussi a été surprise. Nous sommes gagnants à tous les coups: si l’armée intervient pour reprendre les contrées que nous contrôlons comme, par exemple, des campagnes dans la province d’Hakkari, elle doit se battre sur notre terrain, des montagnes que nous connaissons parfaitement, où nous pouvons avoir l’avantage. Si elle ne fait rien, nous avons conquis un territoire. Nous allons poursuivre dans cette direction et même intensifier notre lutte armée.
– Restez-vous ouverts au dialogue?
– Oui, mais tout dépend du gouvernement turc. Recep Tayyip Erdogan a annoncé il y a quelques semaines que le dialogue d’Oslo pouvait reprendre. Fort bien, cependant ce ne sont que des mots, il ne montre pas dans les faits sa volonté de trouver une solution au problème kurde. Nous restons absolument ouverts à toutes les négociations, à tous les dialogues, mais nous ne stopperons pas nos attaques armées.
– Quel est le préalable à la fin de la violence?
– Le PKK, les différents partis politiques et la société civile kurdes ont désigné Abdullah Ocalan comme le plus à même de les représenter dans des négociations avec Ankara. Nous demandons que les conditions de détention d’Abdullah Ocalan soient modifiées, qu’il ait accès aux soins dont il a besoin, que sa sécurité soit garantie ainsi qu’une certaine liberté de mouvement. Cela pourrait se faire sous la forme d’une assignation à résidence. Notre leader pourrait ainsi mener des négociations avec le gouvernement. C’est une condition sine qua non à l’arrêt des violences.
– Voyez-vous en la personne même du premier ministre un obstacle à la paix?
– Recep Tayyip Erdogan s’est fait élire sur le dos des Kurdes en promettant une solution à la crise. Il était plutôt modéré au début de son mandat, mais son vrai visage est vite apparu. Un dictateur dont les ambitions hégémoniques rappellent celles d’Adolf Hitler.
– La Turquie a menacé d’intervenir dans la région kurde de Syrie au cas où ses intérêts et sa sécurité seraient menacés. Que feriez-vous dans ce cas?
– La Turquie doit se tenir à l’écart de ce conflit, cesser ses manigances. Les Kurdes ont un désir légitime d’une autonomie démocratique, ils veulent la reconnaissance de leurs droits. Le PKK est solidaire des aspirations de tous les Kurdes et nous offrons notre soutien aux Kurdes syriens. Si l’armée turque s’en prenait à eux, ou aux institutions qu’ils se sont choisies, nous mènerions des représailles très violentes sur le territoire turc.
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InfoGnomon
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