2013-07-21 14:00:03
Φωτογραφία για Συρία: Ένας Κούρδος ηγέτης διαψεύδει τις φήμες περί προσδοκία για ανεξαρτησία
China Radio International (Κίνα)        (μτφ. Κριστιάν)

Ένας Κούρδος ηγέτης διέψευσε το Σάββατο τις φήμες που θέλουν τους Κούρδους να επιθυμούν να σχηματίσουν μια ανεξάρτητη κουρδική κυβέρνηση στη Συρία.

Ο Σαλέχ Μουσλίμ, αξιωματούχος  υψηλού επιπέδου του κόμματος της αντιπολίτευσης της χώρας, το Κόμμα της Δημοκρατικής Ένωσης, PYD Partiya Yekîtiya Demokrat,  δήλωσε ότι η φήμη σύμφωνα με την οποία οι Κούρδοι της Συρίας επιδιώκουν να ανεξαρτητοποιηθούν από τη Συρία είναι εντελώς λάθος.

Σύμφωνα με τον ίδιο, οι Κούρδοι, η κυρίαρχη εθνοτική ομάδα στη βορειοανατολική Συρία, σχεδιάζουν να ξεκινήσουν μια σειρά ανθρωπιστικών προγραμμάτων. Τόνισε ότι οι Κούρδοι δεν έχουν καμία πρόθεση να σχηματίσουν τη δική τους κυβέρνηση, ή να διαχωριστούν από τη Συρία.

Νωρίτερα το Σάββατο, το τηλεοπτικό κανάλι Αλ Τζαζίρα , που εδρεύει στο Κατάρ, είχε αναφέρει ότι ο κ. Μουσλίμ είχε δήλωσει ότι οι Κούρδοι σχεδιάζουν να σχηματίσουν τη δική τους κυβέρνηση στο βόρειο τμήμα της Συρίας, καθώς και ότι υπάρχει επείγουσα ανάγκη να ιδρυθεί ένα ανεξάρτητο κράτος στο «Δυτικό Κουρδιστάν», θεωρώντας ότι η συριακή σύγκρουση δεν παρουσιάζει κανένα σημάδι ύφεσης. Αυτό το κράτος θα ήταν προσωρινό και θα διαλυόταν στο τέλος της συριακής σύγκρουσης.


Το «Δυτικό Κουρδιστάν» ή «συριακό Κουρδιστάν», είναι μια περιοχή της βόρειας Συρίας που κυριαρχείται από κουρδικό πληθυσμό. Τα στρατεύματα της συριακής κυβέρνησης αποσύρθηκαν από την περιοχή το 2012, αφήνοντας ένα ορισμένο βαθμό αυτονομίας στους Κούρδους. Τους τελευταίους μήνες, η βία έχει αυξηθεί μεταξύ των Κούρδων και των ένοπλων ομάδων της αντιπολίτευσης στην περιοχή

CRI

Où se situent Saleh Muslim et le PYD kurde dans la révolution en Syrie ?

Le Monde  (01.03.2013)

Invité par l’Union des Journalistes Arabisants en France (UJAF), Mohammed Saleh Muslim, président du Parti de l’Union Démocratique, a été, mardi 26 février, l’hôte du Centre d’Accueil de la Presse Etrangère. Le compte-rendu de sa conférence, qui n’a eu les honneurs d’aucun média français mais uniquement de quotidiens libanais, ne manque pas d’intérêt. Il y est très peu question de la Syrie et des agissements du régime syrien. Rien n'y est dit du soutien des Russes, de l'omniprésence des Iraniens ou des interventions directes du Hizbollah. En revanche, il ne nous laisse rien ignorer des faits et gestes de la Turquie, responsable de la violence en Syrie et deus ex machina de tous les drames qui s’y déroulent depuis bientôt deux ans. C’est du moins ce que les quotidiens en question ont retenu de ses propos. Mais cela n’est pas pour étonner.

Mohammed Saleh Muslim

Créé en 2003, le Parti de l’Union Démocratique est la branche syrienne de l’ancien Parti des Travailleurs du Kurdistan d’Abdullah Öcalan (Partiya Karkerên Kurdistan / PKK), auquel il est apparu préférable, pour surmonter l'affaiblissement et les divisions provoquées par l'arrestation et la condamnation de son leader historique, de se réorganiser en partis nationaux. Regroupés sous le chapeau du Partiya Yekîtiya Demokrat, d’où le sigle PYD sous lequel il est connu, les militants et les combattants syriens de l’ex-PKK ont profité de la crise qui a éclaté en Syrie en mars 2011 et, surtout, de la bienveillance à leur endroit du régime de Bachar Al Assad, pour revenir dans leur pays. Avec l’aval et le soutien des services de sécurité, ils se sont imposés au détriment des autres partis politiques et des coordinations locales créées en soutien à la révolution, se comportant en véritable "parti dirigeant de l’Etat et de la société" kurde dans la région.

Les bonnes dispositions du régime à l’égard du PYD ont une explication. Elles sont dues aux relations historiques et aux échanges de bons procédés qui ont fait durant longtemps de la Syrie de Hafez Al Assad et du PKK d’Abdullah Öcalan, des alliés contre la Turquie.

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A la fin des années 1970, la Syrie souffre des restrictions que les Turcs apportent au débit de l'Euphrate. Dans le cadre d'un énorme "Projet de l'Anatolie du Sud-Est" (GAP), ils se sont lancés dans la construction d'une série de 22 barrages sur les cours du Tigre et de l'Euphrate, dont 14 pour le seul Euphrate qui traverse la Syrie du nord à l’est, tandis que le Tigre ne fait qu’en marquer la frontière à l’extrême nord-est. Ces barrages viennent s'ajouter à 10 autres ouvrages plus anciennement réalisés, et leur édification comme leur remplissage perturbent le débit du fleuve, essentiel pour l'approvisionnement en eau de tout le nord de la Syrie, de Jarablus à Al Bou Kamal, sur la frontière avec l'Irak. Engagées depuis longtemps, les négociations sur l'eau entre Ankara et Damas n'ont jamais mené à rien, les Turcs se montrant peu flexibles et liant tout accord sur des quotas à un aval des Syriens à la construction d'un barrage turc sur l'Oronte. Or, un tel accord est impossible pour les Syriens, car cela équivaudrait pour eux à reconnaître la souveraineté de la Turquie sur le Liwa d'Iskanderun (le Sandjak d'Alexandrette), cédé par la France mandataire à la Turquie, en 1939, pour garantir la neutralité de ce pays dans la Seconde Guerre Mondiale qui s'annonce.

Implantation des barrages du GAP

Réfugié en Syrie depuis 1979, et bénéficiant de toutes les facilités à Damas et dans la Beqaa pour y former et y entraîner ses hommes, c'est depuis le territoire syrien qu’Abdullah Öcalan, dit "Apo", chef incontesté du PKK, lance, en août 1984, sa première grande opération armée : l'attaque du poste de gendarmerie d’Eruh, au sud-est de la Turquie.

Si la Syrie avait eu d'autres moyens - militaires ou diplomatiques - à sa disposition pour régler son conflit sur l'eau avec la Turquie et récupérer le Liwa, il est vraisemblable qu'elle ne se serait pas lancée dans un soutien à Öcalan qui semble paradoxal. Il est en effet surprenant de voir la Syrie apporter son appui au leader le plus résolu d'un "peuple kurde" auquel le régime baathiste se refuse à reconnaître chez lui les droits les plus légitimes. Dans la République =Arabe= Syrienne dirigée par le Parti Baath =Arabe= Socialiste, les Kurdes, qui représentent près de 15 % de la population mais qui ne sont pas arabes, n'ont le droit ni d'enseigner la langue kurde, ni de parler le kurde en public, ni de publier livres ou journaux dans leur langue, ni de disposer d'une radio ou d'une télévision, ni d'avoir des programmes particuliers sur les chaînes nationales, ni de célébrer leurs fêtes du Nawruz, ni d'entretenir de groupes folkloriques, ni d’arborer le drapeau kurde, ni de porter des vêtements aux couleurs du Kurdistan "Répression des droits politiques et culturels des Kurdes en Syrie" ( HRW 2009)

Ignorant cette contradiction, les Syriens ne se contentent pas d'ouvrir les portes de leur pays à Abdullah Öcalan. Ils mettent l'ensemble de leurs moyens à sa disposition. Ils lui procurent des planques en Syrie et au Liban. Ils lui garantissent une protection sécuritaire à Damas. Ils lui fournissent des armes et des finances. Ils facilitent l'installation de ses camps d'entraînement dans la Bekaa libanaise, de manière à pouvoir affirmer qu'ils "ignorent tout… de ce qui se ne passe pas chez eux", alors qu'ils exercent à cette époque un contrôle étroit sur cette région sensible et sur les trafics en tous genres dont elle est le théâtre. Ils le laissent enrôler plusieurs centaines - au total plusieurs milliers - de Kurdes syriens. Une partie d'entre eux sont des sans papier. Ils espèrent, en échange de leur collaboration avec un ami du pouvoir syrien, récupérer la nationalité syrienne dont leurs parents ou eux-mêmes ont été dépouillés, suite au recensement organisé dans ce but dans le seul gouvernorat de Hassakeh en octobre 1962.

En contrepartie de ce soutien logistique, les Syriens obtiennent du chef du PKK que celui-ci précise, dans son projet politique, que le "Grand Kurdistan" dans lequel il rêve de réunir les Kurdes de Turquie, de Syrie, d'Irak et d'Iran, ne concerne que la partie turque du Kurdistan. Autrement dit, les Kurdes habitant le Kurdistan occidental (la Jazireh syrienne), ne doivent pas se bercer d'illusion. S'ils se battent pour la création d'un territoire national kurde en Turquie, ils ne doivent pas rêver le voir intégrer dans ses frontières le gouvernorat de Hassakeh dont ils constituent une partie importante, si ce n’est majoritaire, de la population.

Le "Grand Kurdistan"

Pour être sûr que rien ne leur échappe des agissements de cet ami, les Syriens infiltrent dans son entourage plusieurs agents et informateurs des moukhabarat, chargés de surveiller aussi bien ses faits et gestes, que ses déplacements, ses propos, ses relations… et ses comptes. Finalement, dans une habile répartition des rôles, ils confient à un service de renseignements le soin d'apporter son concours aux entreprises d’Abdullah Öcalan et de son PKK, tandis que, pour donner des gages de leur bonne volonté à leur puissant voisin, un autre service est invité à poursuivre et à arrêter ses combattants… sans faire montre d'un zèle exagéré.

Cette aventure s’achève au début du mois d'octobre 1998. Le Conseil National de Sécurité turc, qui est préoccupé par les facilités logistiques accordées par la Syrie à une autre formation d'extrême gauche, le Parti et Front Populaire de Libération de la Turquie (THKP-C) dirigé par Mihraç Ural, un alaouite originaire du Liwa, est surtout mécontent de la surdité des Syriens. Priés de stopper leur soutien à Abdullah Öcalan, ils continuent de protester de leur bonne foi. Ils prétendent tout ignorer de l'homme et de ses agissements. Et ils se contentent, quand la tension monte par trop avec Ankara, de capturer et de lui livrer quelques combattants indépendantistes du PKK. Finalement excédés par ce double jeu et par les attentats planifiés en Syrie qui se déroulent sur leur territoire, les Turcs menacent la Syrie d'une opération militaire de grande ampleur qui règlera définitivement le problème.

Prenant les choses de haut, le premier ministre syrien Mahmoud Al Zoubi réplique à cette mise en demeure en affirmant que "la Syrie répondra à toute agression par les armes". Mais la présence massive de troupes turques à la frontière et la claire perception par Hafez Al Assad de la disproportion des forces en présence rendent soudain la mémoire aux Syriens : ils découvrent où "Apo" se terre chez eux et ils le persuadent en quelques heures de quitter leur pays - autrement dit ils l’expulsent - pour aller finalement se faire capturer ailleurs. Kidnappé au Kenya par des agents des services de renseignements turcs assistés par des Israéliens, il est ramené en Turquie où il est jugé et condamné à la prison à perpétuité. Il croupit, depuis 2002, dans l'île d’Imrali, dans une prison dont il est l'unique pensionnaire. Pour prix de l'asile trop longtemps donné au chef du PKK, les Syriens sont contraints de signer un certain nombre d'engagements, lors d'une réunion tenue à Adana, le 20 octobre 1998. Ils s’engagent en particulier à ne plus soutenir le PKK et à entamer une coopération sécuritaire avec la Turquie, à qui ils devront désormais remettre tous les combattants kurdes capturés sur leur territoire.

Abdullah Öcalan, dans les années 1990

Cette aventure a coûté cher à la Syrie. Si elle a évité le pire, une invasion turque qui aurait pu être fatale au régime de Hafez Al Assad, heureusement assez perspicace pour prendre la décision adéquate au dernier moment, la Syrie a en effet laissé dans l'affaire son dernier espoir de récupérer un jour le Liwa d'Iskenderun. Signe que la Syrie reconnaît cette perte, le Liwa n’est plus inclus comme il l’était précédemment dans certaines cartes publiées à Damas. Qui plus est, les deux pays signent, le 7 janvier 2010, un accord naguère encore impensable sur la construction en commun d'un barrage sur l'Oronte qui portera le nom symbolique de… Barrage de l'Amitié.

La qualité des relations qui se nouent entre Damas et Ankara, une fois Bachar Al Assad installé au pouvoir, n'est pas liée au dénouement de cette affaire, qui a vu les Syriens aller à Canossa. Elle tient à d'autres facteurs : d’une part, le besoin de la Syrie de

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De son refuge en Irak, où il s’est sauvé pour échapper à une nouvelle arrestation et à une probable livraison aux Turcs, Saleh Muslim, président du PYD, décide, un mois après le début du soulèvement contre le régime de Bachar Al Assad, de rentrer dans son pays. Avant de franchir la frontière, le 20 avril 2011, il prend soin d’annoncer son intention. Les responsables sécuritaires syriens ne réagissant pas, alors que l’intéressé figure en bonne place sur la liste des militants kurdes réclamés par leurs homologues turcs, il franchit la frontière et il revient en Syrie. La question reste ouverte de savoir s’il a pris lui-même cette initiative ou si sa démarche lui a été inspirée par ceux qui avaient tout intérêt à sa présence et au retour de ses hommes en Syrie. Quoi qu’il en soit, il tient dès le lendemain un meeting public que la Sécurité politique s’abstient d'interdire et de perturber. Il apparaît alors sans ambiguïté possible qu’une décision politique a été prise à son sujet au sommet de l'Etat et qu’il aura les mains libres dans la Jazireh et, plus largement, le long de la frontière qui s’étend du Kurdistan d’Irak au Liwa d’Iskanderun.

Implantation des Kurdes en Syrie

Cette décision s’explique par plusieurs raisons.

D'une part, elle s'inscrit dans la ligne des efforts alors déployés par le régime pour maintenir le calme parmi les Kurdes. Le chef de l’Etat n’espère pas faire basculer de son côté ceux qu’il a sévèrement châtiés, en mars 2004 : il entendait les dissuader alors  d’imaginer se doter en Syrie d’une zone autonome à l’instar du Kurdistan d’Irak. Il souhaite uniquement les désolidariser de leurs compatriotes arabes et s'assurer de leur neutralité, le temps de réduire ailleurs par la force le mouvement de mécontentement. Si Saleh Muslim accepte de reprendre l’ancienne collaboration qui avait fait la fortune - avant de faire le malheur… - de son ancien chef, il se révèlera un auxiliaire précieux. Il dispose dans la région d’une base populaire et il aura à sa disposition les combattants bien armés, formés et entraînés, sur le retour desquels les moukhabarat ferment aussi les yeux lorsqu’ils franchissent la frontière avec armes et bagages en provenance du Jebel Qandil. Pour l’aider dans la mission qui lui est confiée, la préservation du calme et le contrôle des manifestations de mécontentement populaire dans la Jazireh et les zones kurdes entourant Alep, les services de renseignements syriens procèdent à la remise en liberté des militants du PKK qu’ils détenaient en prison, dans l’attente du moment opportun de les livrer à la Turquie. Parmi eux figurent l’épouse de l’intéressé. Enfin, pour contribuer à l’apaisement, Bachar Al Assad ordonne d’entamer les procédures de récupération de leur nationalité par les quelque 300 000 Kurdes sans papier.

D'autre part, elle permet de faire savoir au gouvernement turc de Recep Tayyip Erdogan, que les responsables syriens goutent peu les marges de liberté qu'il a commencé à laisser en Turquie à certains mouvements de l'opposition syrienne, et en particulier à la bête noire du régime syrien, l’Association des Frères Musulmans. Le message syrien est clair : si les Turcs "jouent" avec les opposants, les Syriens n’hésiteront pas, en fermant les yeux sur la présence de Saleh Muslim, qui contrevient à l’Accord d’Adana mais qui sert leurs intérêts immédiats, à utiliser de nouveau contre eux la carte des autonomistes kurdes. On relèvera en passant que, si l’accueil des Frères Musulmans syriens en Turquie est considéré comme un comportement hostile, voire comme une provocation par les autorités syriennes, ces mêmes autorités ne s’étaient pas privées, en accueillant en Syrie en 1999 la direction du Bureau politique du Hamas, branche armée des Frères Musulmans palestiniens, d’interférer dans les affaires palestiniennes. Ils ont ainsi entravé durant longtemps la conclusion d’un accord politique entre ce même Hamas et l’Autorité palestinienne, finalement signé au Caire, le 3 mai 2011.

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La présence de Mohammed Saleh Muslim dans la Coordination Nationale pour le Changement Démocratique (CNCD), au sein de laquelle il occupe la fonction de vice-président pour l’intérieur, ne suffit pas à en faire un opposant. Cette qualité lui est déniée aussi bien par des membres de cette Coordination que par un certain nombre d’autres partis kurdes.

Logo de la CNCD

Le 14 décembre 2012, plusieurs membres importants de la CNCD ont fait savoir, depuis le Caire, qu’ils quitteraient ce rassemblement au cas où celui-ci refuserait de prendre deux mesures de mise à l’écart. La première concernait le PYD, qui était "un parti problématique", la seconde le Dr Haytham Manna, président de la CNCD pour l’extérieur, qui avait "fait main basse sur la Coordination" et dont "les déclarations à la presse n’étaient pas en harmonie avec la révolution". Leur présence et leur action contribuaient à déconsidérer la CNCD aux yeux de la rue et de l’opposition syrienne, pour qui la préservation du caractère pacifique de la révolution pouvait s’accommoder de l’existence et de l’action de l’Armée Syrienne libre, nécessaire à la protection des populations.

Les autres partis politiques kurdes n’ont pas les moyens militaires du PYD, et ils ne souhaitent pas recourir à la violence. Mais ils bénéficient, dans la Jazireh et ailleurs dans le pays, d’une certaine légitimité parce qu’ils n’ont jamais collaboré, à l’inverse du PKK et de son avatar, avec le régime baathiste, principal obstacle à la démocratie en Syrie. Pour ces partis, comme pour une majorité de Kurdes qui veulent à la fois le renversement du régime et l’inscription de leurs droits légitimes dans la Constitution de la nouvelle Syrie, l’ennemi principal est à Damas et non à Ankara. Même s'ils ne sont pas dupes du jeu de la Turquie. Ils entendent bien, comme le PYD, profiter de la période actuelle pour obtenir la reconnaissance de leurs droits par les forces de la révolution et de l’opposition. Mais, alors qu’ils appellent de leurs vœux à haute voix et sans hésiter la chute du régime, ils s’étonnent de n’avoir jamais entendu, même en tendant l’oreille, le PYD et son président formuler un tel slogan.

Au sein de la population de la Jazireh comme dans les rangs des autres partis politiques kurdes, les velléités hégémoniques et les méthodes brutales du PYD provoquent, depuis des mois, des tensions et des affrontements. Des reproches sont constamment formulés contre les limitations aux libertés dont ses militants, aujourd'hui secondés par les miliciens de ses Unités de Protection Populaire, se rendent coupables. Arrêtant qui ils veulent, maintenant en détention ceux qui contestent leur autorité, livrant aux services compétents ceux qu’ils appréhendent aux frontières, surveillant et protégeant les puits de pétrole et de gaz contre rémunération du gouvernement, occupant les locaux du Parti Baath mis gracieusement à leur disposition, roulant dans les véhicules tout-terrain appartenant aux administrations, interdisant certaines manifestations et certains slogans, confisquant les "drapeaux de l’indépendance"…, ils ne se distinguent des moukhabarat et des chabbiha que par l’affichage généralisé des photos de leur leader Abdullah Öcalan. Mais, faute de disposer des moyens de coercition du PYD, les formations politiques concurrentes n’ont eu d’autre solution que de courber la tête.

"Nous ne voulons pas d'écoles enseignant le kurde.

Nous voulons le départ de ce régime fasciste"

Elles n’en pensent pas moins. Pour se rendre compte de l’état d’exaspération suscité par le comportement du PYD dans la Jazireh et par les déclarations de son président, il suffit de lire ce qu’écrivait, le 6 février 2013, le Dr Abdel-Hakim Bachar, secrétaire général du Parti Démocratique Kurde en Syrie (PDKS) et premier président du Conseil National Kurde (CNK) :

Le 1er février, le quotidien libanais Al Safir a publié un entretien avec Mohammed Saleh Muslim, président du Parti de l’Union Démocratique (PYD) qui contenait, à côté de quelques vérités, nombre d’erreurs et de contradictions.

Saleh Muslim a raison de dire que "le contact politique avec le régime est interrompu depuis le début de crise et jusqu’à maintenant". De notoriété publique, les relations qu’il entretient avec le régime n’ont rien de politique. Elles sont purement sécuritaires. Elles prennent la forme d’instructions transmises par des officiers de grade subalterne.

Saleh Muslim a également raison d’affirmer que son parti "tente, en collaboration avec quelques forces kurdes de moindre importance, de protéger les zones kurdes". Les partis politiques qu'il évoque auraient refusé de lui emboiter le pas si, précisément, leur taille leur avait permis de le faire. Il est inexact en revanche qu’il "administre" les zones en question, puisque ce sont les services syriens de sécurité qui continuent d’y détenir la décision et d’y exercer le pouvoir. Peut-on savoir si c'est par la force que les partisans de Saleh Muslim se sont emparés du siège d’un seul service de renseignements ? Peut-on savoir s’ils ont tué un seul membre des services de sécurité ? Peut-on savoir s’ils ont déchiré les photos du dictateur Bachar Al Assad qu’ils y ont trouvées ? N’ont-ils conservé toutes ses photos et les slogans à sa gloire que pour témoigner de leurs exploits ?

Saleh Muslim a aussi raison d’indiquer que ni lui ni son parti ne veulent de droits nationaux pour le peuple kurde de Syrie. Ce qu’ils veulent en effet, c’est uniquement l’autogestion mise en œuvre par l’actuel régime sous la forme de l’administration locale.

Saleh Muslim se contredit lorsqu’il prétend que "Massoud Barzani agit sous la pression de la Turquie", et que celle-ci "interdit à l’opposition d’accueillir son parti dans ses rangs". Comment explique-t-il alors, d’une part, l’Accord d’Irbil auquel il est partie prenante, conclu sous les auspices de Massoud Barzani ? Comment explique-t-il, d’autre part, la liberté d’accès au Kurdistan d’Irak dont bénéficient jusqu’à ce jour les responsables du PYD, qui y trouvent toutes les facilités dont ils ont besoin ?

Ce n’est pas au terme de combats que le parti de Saleh Muslim a étendu "militairement" son influence sur les zones kurdes de Syrie, mais à la suite d’accords conclus avec des représentants du régime qui les lui ont attribuées ou concédées. Cet abandon a été démontré par la remise de stations de gaz, à Soueïdia et dans d’autres régions. Il a déclaré lui-même qu’il allait "bientôt récupérer les champs de Roumeilan". Comment pourrait-il tenir de tels propos s’il ne s’était précédemment entendu à ce sujet avec le régime ?

Saleh Mouslim affirme que le président du Parti Démocratique Kurde n’a aucune base populaire dans le Kurdistan syrien. La réponse lui est venue du peuple kurde de Syrie : au moment où il s’exprimait ainsi, des manifestations considérables de jeunes et d’habitants de tous les âges se déroulaient dans plusieurs quartiers de Qamichli, à Deirik et ailleurs, portant des photos du président Massoud Barzani et appelant au renversement du régime syrien.

Saleh Muslim affirme que la frontière avec le Kurdistan d’Irak est fermée. En réalité, c’est lui qui la maintient fermée, car, si elle était ouverte, il ne pourrait plus, comme il le fait actuellement, se livrer à la contrebande et approvisionner le marché noir. Un ordre enjoignant de fermer cette frontière a bien été donné, non pas par le gouvernement régional du Kurdistan mais par le gouvernement central de Bagdad qui détient seul cette prérogative. Massoud Barzani a pris ses responsabilités et il a décidé de la maintenir ouverte, pour faire parvenir au Kurdistan syrien les produits de première nécessité.

Les accusations de Saleh Muslim contre Massoud Barzani lui sont dictées par ses alliés : le régime syrien, le Premier ministre irakien Nouri Al Maliki et l’Iran. Ce sont eux qui lui inspirent ses propos. On peut d’ailleurs s’attendre à ce que, au cours des semaines à venir, au fur et à mesure qu’augmenteront les pressions nationales et internationales contre ce régime, il élève davantage le ton contre le Kurdistan d’Irak et intensifie ses attaques contre les partis kurdes opposés au pouvoir en place à Damas.

Nous, nous approuvons fermement le dialogue entamé entre la Turquie et Abdullah Öcalan, qui devrait bénéficier du soutien de l’ensemble des Kurdes. Nous espérons que ce dialogue apportera une solution pacifique et démocratique à la question kurde au Kurdistan de Turquie. C’est pourquoi nous sommes stupéfaits d’entendre Saleh Muslim déclarer qu’il "ne croit pas" à un tel dialogue, parce qu’il n’en connaît pas les résultats. Une telle prise de position ne peut que semer le doute et susciter les interrogations.

Mais, un jour prochain, la chute du régime syrien dévoilera le dessous d’un grand nombre de cartes…

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Deux mots encore. Quel Saleh Muslim faut-il croire ?

Celui qui, au risque de passer pour un propagandiste de la pensée officielle syrienne, affirme à Paris que la Coalition Nationale des Forces de la Révolution et de l’Opposition syrienne a des "relations étroites avec le régime turc et ne veut pas traiter avec le Conseil Suprême Kurde", alors que la Coalition, pour marquer son indépendance avec le gouvernement d’Ankara, a précisément choisi d’installer ses bureaux au Caire et non à Istanbul, comme le Conseil National Syrien ?

Ou celui qui, sentant le vent tourner, se rend au Caire - en même temps qu’une "délégation secrète" d’Ali Haydar, mais c’est un hasard du calendrier - pour s’entretenir discrètement avec Ahmed Moazz Al Khatib et tenter de dissiper les doutes de sa Coalition sur un PYD dont les pratiques se sont révélées, jusqu’à ce jour, très en retard sur la révolution, pour ne pas dire hostiles aux révolutionnaires au sein de la communauté kurde de Syrie ? Comme le rappelle à juste titre le quotidien Asharq al Awsat qui lève le voile sur cette visite, intervenue samedi 23 février, le refus de la Coalition de traiter avec le Haut Comité kurde issu de l’Accord d’Irbil n’a rien à voir avec un rejet des Kurdes dans leur ensemble. D’ailleurs, lors de sa création à Doha, au début du mois de novembre 2012, la Coalition leur a réservé 3 sièges et un poste de vice-président. Il est justifié - il était justifié... si Saleh Muslim s'est montré convaincant - par l’impossibilité pour la Coalition d’admettre dans ses rangs une organisation politique à la fois décriée par la plupart des autres partis politiques kurdes, réunis dans le Conseil National Kurde, et accusée par la plupart des Syriens de  profiter des circonstances pour imposer son autorité sur les régions kurdes et monopoliser les ressources de la Jazireh, sans contribuer de quelque manière que ce soit à la chute du régime de Bachar Al Assad, premier objectif de la révolution.

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Confirmant les propos du Dr Abdel-Hakim Bachar et les doutes sur la nature des relations qui continuent de lier le PYD et le régime syrien, le site All4Syria rapporte, le 1er mars, que des Forces de Protection Populaire, les milices constituées par le PYD,  sont entrées ce matin dans la ville pétrolière de Roumeilan, à 65 km à l’est de Qamichli. Aucun coup de feu n'a été échangé entre elles et les services de sécurité. Un habitant d’un village voisin qui se rendait à son travail sur le champ pétrolier a été arrêté à un poste de contrôle installé par les miliciens. Ils lui ont demandé de faire demi-tour et affirmé que toute activité y était suspendue sine die, comme dans l’ensemble des administrations de la ville. Il a constaté que des miliciens du PYD occupaient les bâtiments publics, le siège du Parti Baath et les postes des services de sécurité. D’autres étaient déployés sur les remblais de terre édifiés près du mur de clôture de la base pétrolière.

Ce développement intervient alors que des brigades de l’Armée Syrienne Libre se rapprochent des villages situés au sud de Qamichli et d’al Qahtanieh, à une vingtaine de kilomètres, et que des informations font état d’opérations imminentes. Une source médiatique proche de l’ASL a indiqué que cette dernière attaquerait toutes les villes dans lesquelles subsistaient encore des postes de moukhabarat et de chabbiha, estimant que ce qui se passait à Roumeilan était un échange de bons procédés et ne pouvait en aucune manière passer pour une "libération" Le Monde 
 
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